vendredi 6 juillet 2012

Critique: In the Family


Aurait-on trouvé l’héritier de John Cassavetes? Peut-être bien. C’est du moins un des sentiments qui ressort de In the Family, le formidable premier film du réalisateur Patrick Wang.

Sorti aux États-Unis depuis plusieurs mois, l’accueil critique réservé à In the Family fut dithyrambique. Avec raison. Pourtant, en apparence, il ne s’agit que d’un mélo digne des traditionnels «movie of the week».

Joey (Patrick Wang) et Cody (Trevor St. John) forment un couple modèle. À la mort de ce dernier, son fils de six ans Chip (Sebastian Brodziak) est remis à la sœur de Cody, ce que décide de contester en cour son amoureux éploré.

Tous les éléments sont de la partie pour créer un drame sirupeux et moralisateur. Il y a les injustices de la vie, le racisme envers les homosexuels et les personnes asiatiques, l’avenir potentiellement sombre d’un enfant mignon comme tout, le rapport de force entre les liens de sang et ceux qui se développent à chaque jour, etc.

Des pièges que le cinéaste évite généralement à l’aide de son propre scénario. Ses dialogues sont particulièrement aiguisés, allant au fond des choses, créant un surplus d’émotions à partir de simples pacotilles. Ses personnages sont vrais et ils vivent de véritables drames. L’identification se fait presque instantanément. Peut-être que Wang aurait pu pousser encore plus loin sa démarche et rajouter davantage de failles à son héros. Reste qu’il possède plusieurs zones d’ombres, éclairées en partie par de judicieuses ellipses.

L’idée d’étirer les scènes au maximum est brillante… et un peu casse-gueule. Il était aisé de se retrouver devant une mer de répétitions et de redites. Surtout que l’essai dure près de trois heures. Il n’en est presque rien. C’est le réel qui vole au grand jour, devenant palpable grâce à cette superbe mise en scène ponctuée de longs plans fixes. Les longueurs deviennent ici lenteurs, qui permettent de mieux entrer dans la tête des personnages.

Plus que tout, Wang est un formidable directeur d’acteurs. Comédien au talent limité, il sait s’entourer d’excellents interprètes peu connus, les dirigeant de main de maître. Avec son sourire et ses grands yeux qui semblent porter toutes les joies et les souffrances du monde, Sebastian Brodziak est ce symbole par excellence de pureté qui résiste, coûte que coûte, à l’envahisseur.

Ne se permettant jamais de juger ses personnages, privilégiant une approche posée et empirique, Patrick Wang prouve avec ce premier long métrage qu’il est un réalisateur à surveiller de très près. Ce ne serait d’ailleurs pas surprenant que son prochain opus soit retenu à Cannes en compétition officielle. En attendant, John Cassavetes peut enfin dormir tranquille. Son véritable fils spirituel vient peut-être bien d’être trouvé, à la grande joie des cinéphiles qui désespéraient devant le cinéma américain qui n’était plus vraiment indépendant et avant-gardiste.

4/5

Vendredi le 6 juillet, le réalisateur Patrick Wang sera au cinéma AMC de Montréal pour rencontrer les spectateurs.

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